Mimizan avenir

Hommage de Xavier Fortinon à Jacques Lamothe

Hommage de Xavier Fortinon à Jacques Lamothe

Vendredi 27 avril, Xavier Fortinon a rendu hommage à son ami Jacques Lamothe, qui fut pendant trente-sept ans maire de Saint-Paul-en-Born, au cours de la cérémonie de ses obsèques en l’église de sa commune. Il est revenu sur le parcours hors du commun de ce militant, maire, entrepreneur,  visionnaire et humaniste.

 

Jamais je n’aurais imaginé me trouver devant vous un jour pour évoquer la disparition de cet homme chez qui, à aucun moment, je n’ai perçu la moindre fragilité. Non qu’il n’en n’avait pas, mais parce que l’intérêt qu’il portait à l’autre et à la chose publique primait sur les tracas de son être au quotidien. Encore, très récemment, à quelques jours de cette attaque qui l’a mis à terre, ses préoccupations étaient portées vers l’avenir et vers un combat qui l’habita toute son existence : la lutte contre l’injustice et les inégalités.

Retracer sa vie publique en quelques mots et quelques faits marquants est très réducteur, tant son empreinte sur ce territoire demeurera à jamais ancrée dans le paysage, les têtes et le temps.

J’ai pour ma part eu l’immense chance de travailler à ses côtés pendant près de trente ans. C’est formateur, enrichissant et enthousiasmant. Jacques fut avec Jean Bourden et Bernard Boyau le père fondateur du premier regroupement de communes intégré des Landes en 1991. Il avait compris, depuis longtemps, que les communes seules avaient un avenir étriqué et que ce n’est qu’en jouant groupé que l’on construit des projets porteurs d’avenir. A titre professionnel, dans l’aquaculture, il avait éprouvé toute l’efficacité de la coopération et, durant toute sa vie élective, il fut le meilleur ambassadeur du district et de la communauté de communes de Mimizan.

Jacques avait compris tous les bénéfices que l’on pouvait tirer de la valorisation des richesses locales pour le bien-être des habitants et le développement de sa commune, et, plus largement, de la communauté.

L’eau, la forêt, le bois, autant de ressources présentes ici, qui, naturellement, furent les piliers de notre attractivité et le ferment de la création de nombreuses activités humaines et économiques. Il était à ce point imprégné de son territoire qu’il avait cette formule pour illustrer son projet de développement autour du tourisme de découverte économique : « Nous devons tous être fiers de l’odeur et de la fumée de la papeterie. » Il s’insurgeait contre ces contempteurs de l’industrie qui opposaient sans cesse développement industriel et touristique.

Crédit photo : Berlinois/Flickr.com

Cette commune de Saint-Paul l’a accueilli en 1976, lui originaire de Roquefort et qui, au gré de ses diverses expériences professionnelles, avait traversé de nombreuses régions françaises. Sitôt installé, il fut sollicité pour participer à sa gestion, et, dès l’année 1977, il prit les rênes de cette commune qu’il ne quitta plus jusqu’en 2014, soit durant trente-sept années. Cet engagement total et désintéressé est à son image, et animé que par le seul intérêt général. Durant ces trente-sept ans, il a façonné cette commune, je ne me lancerai  pas dans une énumération qui, de toutes façons, ne pourrait être exhaustive, mais l’église, l’école, la salle des fêtes, la Gare de l’art, la voie d’accès au lac, les nombreux lotissements qui ont permis la croissance démographique d’une commune qui marquait le pas au début des années 1980. Pas un mètre carré de cette commune à la forme ovale et allongée n’a pas fait l’objet d’une attention ou d’un aménagement. Il en a fait une commune où il fait bon vivre, où l’esprit associatif et l’entraide sont très présents. Il avait cette particularité d’être au fait de la moindre difficulté d’un de ses habitants, car il avait une très grande proximité et une présence qui réconfortait.

Car, dans une commune comme Saint-Paul, le maire est à la fois gendarme, assistant social, médiateur, avocat, conseiller juridique et financier, architecte-urbaniste, pompier… Jacques s’est acquitté de toutes ces missions avec conscience, détermination, et, surtout, une très grande humanité. Et la complexité de la gestion de la commune au fil des années l’a encore plus conforté dans sa conviction de la nécessité de la coopération.

Sa curiosité naturelle l’a conduit à faire resurgir du passé les vestiges historiques de ce bourg englouti et il n’a eu de cesse de valoriser ce patrimoine ancien qui forge une identité et qui donne à comprendre la vie des Landais qui nous ont précédés. Vivre dans le présent, sans comprendre sa construction, empêche la projection dans le futur. Jacques étant un visionnaire, qui inscrivait en permanence son action dans le long terme, a toujours eu besoin de chercher dans l’histoire de la construction géologique, sociologique, économique des Landes les meilleures pistes de son avenir.

Le lac en est une bonne illustration. Aujourd’hui de 340 ha, il était, au XIXe siècle, près de deux fois plus important ; la partie qui s’est comblée est essentiellement sur Saint-Paul-en-Born, d’où la volonté de Jacques de préserver la présence du lac sur la commune, avec ses activités de pêche, de loisirs et de randonnées à la découverte de milieux particulièrement riches en termes de biodiversité. C’est sur ce lac que fut expérimentée la technique « du bassin dessableur » qui fut, par la suite, généralisée à l’ensemble des tributaires qui se jettent dans les étangs littoraux landais. Grâce à cette technique éprouvée et mise en œuvre entre autre par Bernard Boyau, chaque année, ce sont plusieurs hectares de lac que nous sauvons, et l’étang d’Aureilhan-Mimizan-Saint-Paul, depuis qu’il bénéficie de trois bassins dessableurs, n’a plus vu sa surface grignotée, et le projet de promenade du tour du lac, pour lequel Jacques a ouvert la voie, va pouvoir enfin se réaliser.

Je proposerai à sa famille et à l’assemblée départementale de baptiser ce tour du lac, quand il sera réalisé, du nom de Jacques Lamothe.

Crédit photo : Communauté de communes de Mimizan

Mais Jacques, c’était aussi, et avant tout, un humaniste militant qui avait la conviction que l’action publique pouvait changer la vie. Il l’ avait expérimenté dès son retour dans les Landes au contact d’un homme qui a beaucoup œuvré pour le développement de la Haute Lande et qui était à l’écoute de tous ces entrepreneurs qui voulaient investir dans ce territoire, je veux parler de Roger Duroure. Ce député socialiste accompagna Jacques dans le développement de l’aquaculture et un autre entrepreneur originaire des Landes, dont la réussite est unanimement saluée aujourd’hui, Dominique Coutière. Ces deux entrepreneurs ont en commun d’avoir démontré que des projets innovants et créateurs d’emplois étaient possibles dans ce territoire landais. Roger Duroure, en soutenant Jacques, a explicité concrètement que l’aménagement du territoire et la valorisation de ses ressources sont générateurs d’activités de valeur ajoutée et d’emplois. Quand on regarde la place qu’occupe aujourd’hui Aqualandes au niveau national et européen, on peut les remercier d’avoir cru au début des années 1980 à cette aventure folle.

Cette réussite avait forgé au plus profond de lui-même que rien n’était impossible et il avait un goût prononcé pour les expérimentations et les innovations particulièrement dans le domaine de la forêt et du bois. Avec Jean Bourden et Laurent Desprez qui était le chargé de mission de la communauté de communes, avec qui il avait tissé des liens très étroits et amicaux, ils échafaudèrent mille scénarios qui connurent des fortunes diverses, mais qui avaient le mérite de bousculer les idées reçues et les corporatismes bien installés.

C’est ainsi que notre territoire a pu s’enorgueillir de devenir la capitale du bois.

Jacques était aussi un militant du socialisme. Il ne faisait pas qu’en parler, il le mettait en pratique dans l’exercice de ses responsabilités. Car cette belle idée portée par des valeurs – où la poursuite de l’égalité et de l’émancipation de chacune et chacun constitue l’alfa et l’oméga –, doit être confrontée à la réalité pour démontrer tout le bien-être qu’elle peut procurer. Jacques était un militant exigeant, avec un esprit de révolte et d’indignation intact face à l’injustice et l’inégalité. Il avait été très meurtri par l’épisode électoral de l’an passé. Il avait vite compris le marché de dupes dont les Français venaient d’être victimes, et il y a encore trois semaines, il s’était mobilisé pour la renaissance des idéaux pour lesquels il s’était battu toute sa vie. Au soir de chaque élection, nous nous retrouvions pour les résultats ; il n’était pas peu fier de m’apporter ceux de sa commune, où de façon constante et permanente, la gauche faisait toujours les meilleurs scores. Ne croyez pas que ce soit le fait du hasard, les habitants adhèrent à une ligne politique quand, au quotidien, leurs responsables mettent en œuvre ses principes. C’est la preuve par l’exemple. Et Jacques, en la matière, était  exemplaire. Jacques, sois assuré que Didier à Saint-Paul, Jean-Marc à Pontenx, et beaucoup d’autres suivront le chemin que tu as tracé. Le combat continue en espérant que beaucoup de militants de ta trempe portent haut les valeurs de l’intérêt général et fassent preuve de la même générosité que toi.

Tu nous manques assurément déjà, car même dans l’adversité, tu as toujours montré que la seule réponse était la sérénité et l’offensive. Nous ne sombrerons pas donc dans la mélancolie ni la nostalgie.

Jacques, mon ami, sur ton lit de souffrance, tu m’as adressé un dernier message qui ne faisait aucun doute sur ta prise de conscience de l’issue proche, mais là encore, loin de t’apitoyer sur ton sort, tu pensais à l’avenir des autres. Permets-moi, à mon tour de m’adresser à toi, à toute ta famille formidable et à tous tes amis de la même façon :

Amitiés  ABRAZOS.

 

Xavier Fortinon

 

 

Derniers commentaires

  • Alain tauzia
    1 mai 2018 at 5 h 54 min Répondre

    La vie est éphémère, mais le souvenir d’un être cher reste. Nous souhaitons à la famille de Jacques, beaucoup de courage, et sommes de tout cœur à leurs côtés.

  • Pinault Rudy
    1 mai 2018 at 8 h 01 min Répondre

    C’est grace à l’engagement de Mr Lamothe et de son épouse au sein de l’association Enfance Avenir que nous avons pu adopter notre fils… Et c’est le cas pour d’autre nombreuses familles.
    Humblement
    Rudy Pinault

  • Ducau
    1 mai 2018 at 12 h 14 min Répondre

    C’est avec une profonde tristesse que j’apprends le décès de Jacques Lamothe, que j’ai eut la chance de côtoyer lorsque qu’il était élu à la communauté de communes.

    C’était un homme de bien, toujours à l’écoute des autres, une force de la nature.

    Je présente à toute sa famille et à ses proches mes plus sincères condoléances.

    Francois Ducau

  • Famille Ortet Elisabeth Sebastien Toan et Maël
    1 mai 2018 at 20 h 18 min Répondre

    C’est avec une profonde émotion que l’on a appris le décès de Mr Lamothe, qu’on a eu beaucoup de chance de connaître avec son épouse grâce à leurs engagements pour une association et grâce à qui on a pu adopter notre bonhomme au vietnam il y a 8 ans 1/2 !!! Le 29 avril 2009 ils nous appelaient pour nous annoncer que l’on était enfin parents !!! Nous penserons toujours à eux 2 et ils seront toujours dans nos coeurs.

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